RRR : Relation Rendement Risque
La relation au centre de tous les enjeux économiques et financiers
↪ Il y a un ratio à la base de tous les enjeux économiques et financiers. Il s’agit du ratio Rendement / Risque - où le rendement d’un investissement est calibré par son risque. Ce ratio (voir ratio de Sharpe) est très utilisé en finance de marché pour comparer les performances des entreprises cotées. En finance d’entreprise et pour les entreprises non cotées, il se décline plutôt sous forme de “Relation Rendement Risque”. Si vous comprenez cette relation, vous maîtrisez le cœur de la finance et le processus de création de valeur.
⚡Résumé des points importants
Le risque est communément perçu comme une baisse potentielle d’un résultat, alors que le risque financier est lui associé à une volatilité.
La différence entre risque et incertitude réside dans la possibilité de gérer le premier, tandis que le second est caractérisé par l'imprévisibilité.
Les acteurs économiques ont une aversion naturelle au risque. Et lorsqu’ils prennent un risque, ils s’attendent à un rendement proportionnel.
Pour les entreprises non cotées, la corrélation rendement - risque est moins évidente, ce qui peut être source de problèmes ou d’opportunités.
🔳Une mauvaise compréhension du risque
Commençons par la notion de risque souvent mal comprise ou comprise différemment par les entrepreneurs et les financiers.
Le risque au sens commun
La plupart des acteurs économiques définissent le risque comme une baisse éventuelle d’un résultat (ex. le risque que le chiffre d’affaires baisse) ou un état futur de l’entreprise que l’on redoute (ex. le risque de faillite). Le risque est considéré comme quelque chose qui va détériorer une situation existante et qu’il faut à tout prix éviter. Le monde de la finance a une définition différente.
Le risque au sens financier
Au sens financier, le risque est synonyme de variabilité - à la baisse comme à la hausse. On parle en fait de volatilité qui peut se mesurer par un calcul de variance ou d’écart type. Plus la volatilité est forte, plus le risque est important, peu importe le sens de variation. Ce qui compte c’est l’intensité.
Prenons deux exemples opposés pour bien comprendre le risque au sens financier :
Une entreprise qui loue des surfaces sera considérée comme peu risquée parce que l’on sait que les loyers ne vont pas varier beaucoup dans le temps. Il suffit de faire une hypothèse simple sur les surfaces louées pour prévoir - avec un haut niveau de confiance - le rendement de l’activité.
Prenez maintenant une start-up biotech, sans historique, qui fait de la recherche de vaccins. Cette entreprise sera considérée comme très risquée parce qu’elle peut engloutir des (centaines de) millions comme générer des (centaines de) millions. Dans ce cas, le futur n’est pas garanti, ni facilement prévisible.
Risque et incertitude
Dans son livre "Risk, Uncertainty, and Profit" (1921), l'économiste Frank H. Knight a théorisé la différence entre risque et incertitude. Selon Knight, le risque se réfère aux situations où la probabilité de différents résultats peut être estimée ou mesurée. Le risque peut donc être géré grâce à des techniques telles que l'assurance ou la diversification.
En revanche, l'incertitude est définie comme des situations où les probabilités de résultats ne peuvent pas être déterminées ou mesurées avec précision. L'incertitude survient dans des conditions d'information incomplète, d'imprévisibilité et lorsque le futur est caractérisé par des événements inconnus ou imprévisibles. Contrairement au risque, l'incertitude ne peut pas être entièrement quantifiée ou gérée à l'aide de techniques de gestion des risques standard.
L’incertitude est donc le plus haut niveau de risque. C’est une forme de risque pur non prévisible et non gérable.
L’aversion naturelle au risque
Tous les acteurs économiques, y compris les financiers, sont averses au risque par défaut. Ils n’en veulent pas ! Ils préfèrent avoir de la visibilité avec le moins d’inconnu possible - d’où la difficulté pour de jeunes entrepreneurs de convaincre des investisseurs. Quand vous parlez à un investisseur ou à un banquier, tout ce que vous pourrez dire ou produire comme document sera … “retenu contre vous”. Chacune des informations permettra au financier de se forger une idée du risque. Si le projet lui parait trop risqué par rapport à son profil, il n’y aura pas de transaction.
La gestion du risque en amont de toute discussion avec un financier est donc un enjeu majeur, en particulier pour les entreprises privées, peu liquides. Plus la notion de risque aura été maîtrisée en amont, plus la transaction deviendra possible. Le but d’un entrepreneur est de cibler les financiers qui ont la capacité de gérer leur niveau de risque avant de leur démontrer que le projet a déjà été dérisqué et que l’avenir est “tout tracé”.
🔳La relation entre rendement et risque
Personne ne veut le risque sauf s’il y a une contrepartie qui en vaut la peine. Cette contrepartie est le rendement attendu.
Le rendement attendu
Une fois que le risque a été évalué et accepté, le financier va s’attendre à un rendement qui sera à la hauteur. Plus le risque est élevé, plus le rendement attendu sera élevé. Logique parce que si le rendement est suffisamment élevé, il rend acceptable la prise de risque. Dans le cadre d’un investissement, le réglage du rendement se fait souvent par la valorisation. Le financier va négocier (à la baisse) une valeur d’entreprise qui rende possible son rendement. Côté entrepreneur, pour bien négocier la valeur, il faut non seulement gérer le risque en amont mais aussi valoriser le potentiel de l’entreprise. Rendement et risque sont bien les deux côtés d’une même pièce !
Vers une décorrélation rendement / risque
Le rendement est censé être parfaitement corrélé au risque. Plus on veut de rendement, plus on doit prendre de risque et vice-versa. Sur le marché du non coté, la corrélation est moins évidente parce qu’il n’y a pas autant de transparence et de liquidité que sur les marchés financiers. Il peut donc y avoir des décalages - voire une décorrélation - entre rendement et risque. Cette décorrélation peut empêcher une transaction équilibrée lorsque par exemple un investisseur a des attentes démesurées sans rapport avec le véritable risque. Ou encore, quand le risque a été sous-évalué et qu’il conduit à des désillusions voire des conflits. Pour que tout le monde y gagne, il faut maintenir une relation positive rendement / risque.
Quand tous les intérêts sont alignés, la décorrélation peut toutefois faire du sens pour chercher à optimiser la création de valeur.
La création de valeur
La création de valeur se produit quand pour un même niveau de risque, vous arrivez à obtenir un rendement supérieur à ce qui était attendu. De la même manière pour un même niveau de rendement attendu, vous arrivez à diminuer la prise de risques. Un des moyens d’y parvenir est de sélectionner, puis de gérer, les risques qui auront le plus de leviers sur la performance d’une entreprise. Cette optimisation a des limites. Il est peu probable de trouver des martingales : des situations ou il y a un rendement largement supérieur au taux sans risque - sans volatilité correspondante. Trouver une martingale, c’est comme trouver une pépite, pas impossible mais plutôt rare.
✨ Le rôle de l’architecte finance - “a.f”
L’a.f doit être celui qui gère et qui optimise cette relation rendement - risque d’un point de vue holistique, c’est à dire en tenant compte des intérêts de toutes les parties prenantes. Il faut pouvoir trouver des équilibres financiers qui vont satisfaire les différents actionnaires et les différents prêteurs en fonction de leurs prises de risque. C’est un exercice qui relève parfois plus de l’art ou de la communication que de la science.
Pat Ben | CFO.boutique